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Bonheur, travail & performance : le bonheur au travail vu par Renaud Gaucher

Qu’est-ce que le #bonheur ? Pouvons-nous parler de #bonheurautravail ? Quels sont les liens entre le bonheur au travail et la #performance en entreprise ? Comment cela peut-il se traduire concrètement sur le terrain ? Que puis-je faire à mon échelle ?

Autant de questions posées à Renaud Gaucher, docteur de l’Université Erasme de Rotterdam, dont les domaines de recherche portent sur :

  • La mesure du bien-être et du bien-être au travail,

  • L’optimisation de la relation entre bien-être au travail des employés et performance de l’entreprise,

  • L’optimisation de la relation entre dépenses publiques et bien-être des citoyens.


Qu'est-ce que le bonheur ?


Il existe de nombreuses définitions du bonheur, certaines relativement pertinentes, d’autres non. J’ai eu la chance de faire un doctorat avec un des plus grands chercheurs au monde sur la science du bonheur ; et de mon travail avec lui, je garde la définition suivante : « aimer la vie que l’on mène ». Plus on aime la vie que l’on mène, plus on est heureux. Plus on déteste la vie que l’on mène, plus on est malheureux.


La plupart des personnes ont envie d’aimer la vie qu’elles mènent et elles le souhaitent pour leurs enfants et leurs petits-enfants si elles en ont. En outre, aimer la vie que l’on mène est une définition courte, avec des mots simples, qui ne mélange pas l’état de bonheur avec ses possibles déterminants et qui respecte la liberté de chacun en n’imposant pas une conception morale du bonheur.


Pouvons-nous parler de bonheur au travail ?

Le bonheur au travail, c’est le bonheur… dans le cadre du travail. Si vous acceptez que le bonheur peut être défini comme le fait d’aimer la vie que l’on mène, alors le bonheur au travail est le fait d’aimer la vie que l’on mène… au travail.


Le problème du concept de bonheur au travail est que le travail est plutôt une source de souffrance que de plaisir. D’abord, il faut se battre pour trouver un travail ou, pour les chefs d’entreprise qui sont propriétaires de leur entreprise, pour lancer et pérenniser leur entreprise. Ensuite, beaucoup de jobs n’ont rien d’épanouissant. Enfin, l’économie n’est pas organisée afin que les gens soient heureux au travail ou plus généralement heureux dans leur vie.


Une économie organisée afin que les gens soient heureux au travail est d’abord une économie où on cherche à réduire le temps de travail dans les travaux qui ne favorisent pas le bonheur au travail et où on ne cherche pas particulièrement des gains de productivité là où le travail favorise le bonheur. C’est aussi une économie qui a un autre but que l’économie actuelle dont l’objectif est de faire toujours plus d’argent, au détriment des gens et de la nature.


Une économie organisée afin que les gens soient plus heureux en général est une économie où les richesses sont partagées afin que chacun ait suffisamment pour vivre dignement et que chacun ait une abondance en temps afin de faire des choses qui sont généralement plus intéressantes que son travail. C’est aussi une économie qui n’est pas centrée sur le fait de capter l’attention des gens afin de leur vendre des choses, une économie qui ne s’accapare pas le fameux « temps de cerveau humain disponible ».


Quels sont les liens entre bonheur au travail et performance en entreprise ?


Pour un article scientifique en cours d’écriture, j’ai passé en revue un peu plus d’un millier d’articles scientifiques sur le sujet. L’écriture de l’article n’est pas terminée, donc il est difficile de vous donner les résultats, mais je peux vous donner mon sentiment après avoir regardé ce millier d’articles scientifiques.


D’abord, il y a clairement plus de bons articles qui montrent que le bonheur au travail, qu’il soit mesuré sous forme de satisfaction au travail ou d’affects positifs au travail, favorise la performance que le contraire. Par performance, j’entends ici la performance des collaborateurs, la réduction de l’absentéisme et la réduction du turnover volontaire.


Dit autrement, si une entreprise ne veut pas étudier de manière scientifique la relation entre bonheur au travail et performance pour savoir ce qu’il se passe en son sein, les responsables de cette entreprise savent maintenant en lisant ces lignes qu’une politique pertinente d’amélioration du bonheur/bien-être au travail a nettement plus de chance de favoriser l’augmentation de sa performance que le contraire.


On trouve cependant des bons articles scientifiques qui montrent le bonheur au travail peut faire baisser la performance. Ils ne sont pas les plus nombreux, mais ils existent. Ces articles montrent tout l’intérêt de mesurer au sein des entreprises et de le faire bien, afin de comprendre les spécificités de chaque entreprise et, à l’intérieur de chaque entreprise, celles de chaque service.


Comment cela peut-il se traduire concrètement sur le terrain ?


Au niveau d’une entreprise qui a suffisamment de collaborateurs pour appliquer des méthodes statistiques avancées, le processus devrait être le suivant. D’abord, bien mesurer. C’est vraiment difficile de bien mesurer.


Je vous renvoie à ce sujet à l’article scientifique “What is in the name? Content analysis of questionnaires on perceived quality of one’s work life”*, que j’ai co-écrit avec le professeur Ruut Veenhoven. Je suis en train de travailler à une adaptation de cet article afin que n’importe qui puisse facilement devenir un expert de la mesure du bonheur au travail et, plus généralement, de la qualité de vie au travail. Il s’agit, après avoir bien mesuré, d’utiliser les résultats des mesures pour creuser à l’aide d’entretiens auprès de certains collaborateurs.


Quand l’information quantitative et qualitative est analysée, prendre des décisions en relation avec les résultats de cette analyse et les mettre en application. Puis mesurer de nouveau afin de comprendre ce qui a marché et ce qui n’a pas marché. Continuer le processus.


Si une entreprise ne veut pas mesurer, voici certaines des idées que je partagerai. Les affects et plus particulièrement les émotions sont au cœur du bonheur au travail. Le cadre pour manager émotions et performance au travail est simple. En matière d’émotions positives, il est difficile de trouver des raisons pour éviter de générer des émotions positives chez des collaborateurs.


En matière d’émotions négatives, il faut avoir une très bonne et très solide raison pour faire vivre des émotions négatives à un collaborateur. Cette raison, si elle existe, doit généralement se trouver dans la réponse à la question suivante : est-ce que les émotions négatives que je vais faire vivre à mon ou mes collaborateurs exerceront une influence positive sur la performance durable de l’organisation ?


Que puis-je faire à mon échelle ?


Au niveau individuel, pour être plus heureux ou moins malheureux au travail, il convient de comprendre qu’il y a deux grandes sources au bonheur au travail : le niveau hédonique des affects au travail et le contentement vis-à-vis du travail.


Le niveau hédonique des affects au travail est plus important et pour augmenter ce niveau il convient de vivre plus d’affects positifs au travail et moins d’affects négatifs. Pour vivre davantage d'affects positifs au travail, il est possible de faire le bien ou d'exprimer davantage sa gratitude.


Pour vivre moins d'affects négatifs, il est possible de se recentrer sur la planification, c'est-à-dire de réfléchir sur la manière de résoudre la situation qui génère des affects négatifs et de mettre en application ce qui a été réfléchi.


Le contentement au travail est la différence entre le travail que l’on souhaite et celui que l’on a. Ici, il convient soit de fournir des efforts pour obtenir un travail plus proche de notre idéal, soit réduire ou réorienter nos attentes.


A noter que plus de bonheur au travail ne signifie pas forcément plus de performance. Le lien n’est pas systématique. La performance requiert aussi de se reposer suffisamment pour recouvrir son énergie, de manger plutôt sainement… et d’être persévérant malgré les difficultés. Aimer ce que l’on fait aide à être persévérant.


*https://link.springer.com/article/10.1007/s11135-021-01165-z


Pour aller plus loin, Renaud GAUCHER vous offre son dernier ouvrage : « Le livre du bonheur 2023. Devenez un expert de la science du bonheur pour vous et pour les autres » accessible ici : lelivredubonheur.org. Il a déjà publié six autres livres sur la science du bonheur et ses applications à différents domaines (travail, économie, politiques publiques, finance).

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